Avant-projet de révision de la Constitution

L’avant-projet de révision de la Constitution, dont la mouture a été dévoilée le 07 mai 2020 par la présidence de la République, a détaillé dans son exposé des motifs les axes contenus dans la lettre du Président Abdelmadjid Tebboune. Il y est souligné, en particulier :

  • les exigences de l’Etat de droit à travers le renforcement des droits fondamentaux et des libertés publiques. une vingtaine de nouveaux droits et libertés consacrés par les conventions internationales ratifiées par l’Algérie et auxquelles le préambule de la Constitution fait désormais écho sont introduits.
  • la séparation des Pouvoirs,
  • une justice indépendante,
  • la moralisation de la vie publique.

Au titre du premier axe, l’avant-projet a introduit les règles et régimes juridiques les plus communément admis, citant le régime de la simple déclaration pour l’exercice de certaines libertés collectives, les restrictions aux droits, libertés et garanties ne pouvant intervenir que par voie législative et seulement pour des motifs liés à l’ordre public, à la sécurité nationale et à la sauvegarde d’autres droits et libertés fondamentales.

S’agissant du deuxième axe relatif à la séparation des pouvoirs il est proposé  “l’institution d’un chef du gouvernement avec un programme propre, la suppression du pouvoir reconnu au président de la République de légiférer par voie d’ordonnance, la répartition du pouvoir de nomination entre le président de la République et le chef du gouvernement ainsi que la suppression du tiers présidentiel de la composition du Conseil de la nation”.

Le document penche pour un régime semi-présidentiel dans le but d’assurer l’unité ainsi que la cohésion de l’Exécutif, de rationaliser son travail, d’émanciper le président de la République des charges de la gestion gouvernementale et surtout sauvegarder la légitimité qu’il tient de son élection au suffrage universel”.

 

Cependant, le Comité d’experts chargé de formuler des propositions sur la révision de la Constitution a également estimé que l’institution d’une vice-présidence de la République est de nature à apporter au président de la République un “appui dans l’accomplissement de ses missions chaque fois qu’il l’estimerait nécessaire”.

S’agissant des rapports entre l’Exécutif et le législatif, le principe consiste à “élargir les attributions du parlement en matière de production législative” et “contenir au maximum l’étendue du pouvoir règlementaire que détient le président de la République”.  Les pouvoirs de contrôle du parlement sur l’action gouvernementale sont renforcés.

En matière de contrôle, les droits de l’opposition parlementaire ont été renforcés par la possibilité qui leur est offerte, entre autres de présider par alternance les commissions juridique et des finances avec la majorité parlementaire.

Au sujet du Conseil de la nation, le Comité a estimé que “l’existence de l’institution demeurait nécessaire au renforcement de la représentation, à l’équilibre institutionnel et à la pérennité de l’Etat”.

Aussi, le Comité a considéré qu’il était “opportun de réserver la représentation au sein du tiers présidentiel aux seules compétences nationales dans les différents domaines de la vie sociale, économique et culturelle…”. Ces personnalités ne doivent pas avoir d’appartenance partisane.

Le Comité a convenu de substituer à la notion de “pouvoir judiciaire” celle de “justice”, en raison de la connotation symbolique qu’elle recouvre, note le document, relevant que pour des raisons réelles ou supposées, son exercice semble demeurer, pour une bonne partie des citoyens, en décalage par rapport à l’explosion de la demande de justice.

Les propositions du Comité en vue de conforter l’indépendance du juge ont consisté à faire interdiction aux différentes institutions publiques de prendre des mesures de nature à porter atteinte à cette indépendance ou toute entrave à l’exécution des décisions de justice. Cette interdiction a été assortie de sanctions que la loi doit prévoir, de même que l’obligation d’indépendance a été mise à la charge du juge.

S’agissant du Conseil supérieur de la magistrature en tant qu’institution garante de l’indépendance de la justice, il est question de son autonomie en vue de le soustraire à l’influence de l’exécutif et réhabiliter son rôle dans la gestion du corps des magistrats. Sa composition est désormais fixée par la Constitution.

Le Conseil est présidé par le président de la République en sa qualité de garant de la Constitution, alors que la vice-présidence du Conseil est dévolue non pas au ministre de la Justice mais au premier président de la Cour suprême.

Les droits des justiciables ont été renforcés de sorte à leur permettre un égal accès à la justice à leur garantir le droit à un procès équitable et à les protéger de tout abus éventuel de la part des juges.

Le Comité des experts a proposé le passage du Conseil constitutionnel à une Cour constitutionnelle à l’exemple des tendances internationales, en vue d’asseoir un contrôle “plus harmonieux tout en apportant plus d’indépendance à l’institution”. Ses attributions ont été étendues au contrôle de la conformité des lois aux conventions et au contrôle des ordonnances prises par le président de la République. Le contrôle de la constitutionnalité couvrira aussi les textes règlementaires.

Le Comité a aussi considéré qu’il était “nécessaire que le Président de la République soumette à la Cour, pour avis, les actes pris dans l’exercice de ses compétences durant l’état d’exception”.

Il est également proposé de manière plus générale que la législation ne doit pas contenir des dispositions de nature à favoriser la corruption, tout en évoquant le rôle dévolu à la Cour des comptes en sa qualité d’institution de contrôle.

Il est en outre conféré un statut constitutionnel à l’Autorité nationale indépendante des élections en précisant la nature de sa composition de sorte à garantir son indépendance et sa représentativité.

En outre, le Comité a proposé que les principes de décentralisation et de déconcentration soient énoncés de manière explicite dans la Constitution, soulignant en même temps le besoin de “repenser” l’organisation administrative du pays et les collectivités territoriales.

Le volet des rapports entre l’administration et les administrés a également retenu l’intérêt du Comité de manière à rapprocher l’administration des citoyens ainsi que celles visant à garantir leur égal traitement, la célérité et la transparence dans le règlement des situations administratives, suggérant aussi la suppression de la disposition limitant l’accès des binationaux à certaines fonctions au sein des institutions publiques.

Enfin et de l’avis unanime du Comité, la disposition relative à l’officialisation de Tamazight doit être citée au nombre des dispositions qui ne peuvent faire l’objet de révision.

 

Source : APS